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L’importance de la constance dans le développement des qualités physiques d’endurance

Des années de coaching au bord des bassins, sur la route et autour de la piste m'ont permis de vérifier que l’endurance ne se construit pas sur l’intensité d’une séance, mais sur la répétition. C’est un équilibre fragile entre charge, récupération et continuité.


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J'ai posté sur Instagram quelques slides en utilisant l'image du lièvre et de la tortue pour comparer les athlètes. Ceux qui s'entraînent comme des fous mais qui sont sujet à de nombreuses problématiques récurrentes (blessure, perte de motivation, contre-perf) et ceux qui préfèrent être plus régulier mais moins "bourrin" (ceux qui réalisent les meilleurs résultats au final).


Les adaptations physiologiques qui composent l'endurance (cardiovasculaires, métaboliques et neuromusculaires) nécessitent plusieurs semaines de stimulation régulière avant de se stabiliser, et disparaissent en quelques-unes si la régularité s’interrompt.


Depuis plusieurs années je me suis toujours questionné sur mes pratiques et je me suis alors informé sur ce que les scientifiques de la physiologie sportive avaient publié. Les différentes études m'ont permis de comprendre le pourquoi du comment en fonction des qualités physiques que je souhaitais développer.


Les travaux de Mujika et Padilla (2000, Sports Medicine) m'ont par exemple montré qu'après trois à quatre semaines d’arrêt, on observe déjà une baisse significative de la VO₂max. Pas suffisant en soi, mais déjà une piste.


Pour être clair: Trois qualités structurent principalement la performance d’endurance : la Vitesse Maximale Aérobie (VMA), le seuil aérobie et le seuil anaérobie.

Elles évoluent selon des temporalités différentes, mais reposent toutes sur le même principe : la constance.



La VMA : la puissance du moteur


La Vitesse Maximale Aérobie (VMA) correspond à la plus faible vitesse à laquelle la consommation d’oxygène atteint son maximum (VO₂max). Elle traduit la puissance du système aérobie, c’est-à-dire la capacité du cœur et des muscles à capter et utiliser l’oxygène.


Selon Coyle (1995, Journal of Applied Physiology), l’amélioration de la VO₂max résulte d’une augmentation du débit cardiaque maximal et d’une densité capillaire accrue dans les muscles sollicités. Ces adaptations nécessitent entre quatre et six semaines minimum d’entraînement régulier pour apparaître, et se consolident autour de la douzième semaine.


J'ai également découvert que la VMA est la qualité la plus instable. Les études de Mujika (2000) et de Coyle (2005) montrent qu’après seulement deux à trois semaines d’inactivité, la VO₂max peut chuter de 4 à 8 %, principalement à cause d’une diminution rapide du volume sanguin et d’un affaiblissement du retour veineux.


C’est une qualité “rapide” à acquérir, mais qui ne survit qu’à la régularité.



Le seuil aérobie : la base métabolique de l’endurance


Le seuil aérobie marque le point où la production de lactate commence à augmenter légèrement, tout en restant stable (autour de 2 mmol/L). C’est la zone dans laquelle le corps apprend à durer, à brûler les graisses et à économiser le glycogène.


La lecture des travaux de Holloszy et Coyle (1984) et de Holloszy (2008) m'ont permis de mieux appréhender et surtout comprendre la mécanique de ce paramètre clef de l'entraînement en endurance.


En effet, ils ont démontré que l’entraînement d’endurance augmente le nombre et la taille des mitochondries dans les fibres musculaires (biogenèse mitochondriale). Ces adaptations métaboliques apparaissent après six à huit semaines de travail constant, mais ne se stabilisent qu’au bout de douze à vingt-quatre semaines. Là on avance !


Les recherches de Holloszy et Booth (1976) ont également montré que l’oxydation lipidique devient plus efficace avec la continuité, réduisant la dépendance au glycogène musculaire et retardant l’apparition de la fatigue.


Ce seuil, plus lent à construire, est aussi plus durable. Il régresse moins vite que la VMA, mais selon Mujika et Padilla (2001), la densité mitochondriale commence à diminuer après trois à quatre semaines de coupure complète. C’est la base de l’endurance “durable” et celle qui protège la progression à long terme.


Mon expérience sur le terrain m'a démontré que le travail à cette intensité permettait d'obtenir des gains de performance significatifs tout en se préservant des risques de blessure.


Le seuil anaérobie : la tolérance à l’intensité


Le seuil anaérobie est la limite supérieure de la filière aérobie : au-delà, la production de lactate dépasse la capacité de l’organisme à l’éliminer. C’est une qualité qui conditionne la capacité à soutenir un effort intense et stable, typiquement entre 30 et 60 minutes selon le niveau de l’athlète.


Les études de Brooks (2000, Journal of Experimental Biology) ont révolutionné la compréhension du lactate : loin d’être un déchet, il est un substrat énergétique et un signal métabolique. Améliorer ce seuil revient à améliorer la circulation et le recyclage du lactate et à renforcer la capacité de tamponnement musculaire.


Ces adaptations se mettent en place entre six et dix semaines de stimulation régulière et se stabilisent vers douze à seize semaines. Elles reposent principalement sur une meilleure efficacité oxydative des fibres de type IIa (Bonen, 2001, Exercise and Sport Sciences Reviews).


En revanche, comme pour les autres filières, ces progrès sont réversibles. Mujika (2000) [encore lui] montre que le seuil anaérobie commence à régresser dès trois semaines d’interruption, avec une élévation plus rapide du lactate sanguin pour une même intensité d’effort.


L’endurance : une balance entre construction et entretien


Ces trois composantes ne se développent pas à la même vitesse, mais elles s’entretiennent ensemble. Elles s’empilent plutôt qu’elles ne se remplacent. Les adaptations cardiovasculaires (Coyle, 1995) apparaissent en premier, suivies par les adaptations métaboliques (Holloszy, 1984), puis par les ajustements neuromusculaires plus lents.


L’endurance est donc une adaptation cumulative et hiérarchisée, où chaque étape prépare la suivante. Les gains obtenus sur la VMA stimulent ensuite les seuils, et la stabilité du seuil aérobie soutient la progression du seuil anaérobie. Mais sans régularité, tout s’efface. D'où l'importance de créer une planification des cycles d'entraînement qui tienne la route !


En triathlon : Un casse tête pour les coachs


Le triathlon complique encore cette équation. Les trois disciplines sollicitent les filières énergétiques différemment. Une PMA élevée sur le vélo ne se traduit pas automatiquement en puissance en course à pied, et un bon seuil aérobie en natation n’améliore pas forcément celui du vélo.


Chaque discipline a sa dynamique propre, et les transferts sont partiels. Comme le rappelle Millet et Bentley (2004, Sports Medicine), la performance en triathlon dépend avant tout de la capacité à enchaîner les intensités, pas à les additionner. Encore une petit brique ajoutée à l'édifice dans la compréhension de la préparation physique afin de pouvoir proposer l'entraînement le plus efficace possible.


Le rôle du coach est donc d’orchestrer les cycles : maintenir une base aérobie continue, développer une qualité spécifique sans interférer avec les autres, et respecter le temps d’adaptation de chaque filière. Vouloir tout travailler simultanément mène souvent à la stagnation, voire à la régression. Il faut également prendre en compte la psychologie et la biomécanique de chaque athlète. Mais je ne vais pas vous en parler dans cet article car sinon on ne va pas s'en sortir ;)



L’expérience du coach : respecter le temps biologique


Avec l’expérience, on comprend qu’en triathlon (et en général dans les sports d'endurance), la question n’est pas “combien” mais “quand”. Une VMA se développe en quelques semaines, mais disparaît aussi vite. Le seuil aérobie met des mois à se construire, mais il soutient tout le reste. Le seuil anaérobie se gagne lentement et régresse dès qu’on relâche la pression.


Le rôle de l’entraîneur consiste à gérer la durée et l’intensité des cycles, à sentir quand il faut stabiliser, quand relancer et quand laisser le corps assimiler. Ajoutons à cela les calendriers de course que l'on ne choisit pas toujours...


Les études ne remplacent pas le regard du terrain : l’expérience, c’est ce qui transforme la théorie en progression réelle.


Au final


L’endurance se bâtit dans la durée, pas dans l’urgence. Elle résulte d’un dialogue entre la biologie et la régularité. Les travaux des différents scientifiques sur le sujet convergent tous: les adaptations aérobie s’acquièrent lentement, en cycles de six à seize semaines, et s’évanouissent dès que la constance s’interrompt.


En triathlon, cette recherche de vérité devient cruciale. La performance ne vient pas d’un pic d’effort, mais d’un rythme régulier, patient, qui respecte le temps biologique de l’adaptation. On ne progresse pas en allant plus fort, mais en allant plus longtemps, sans rupture.

 
 
 

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